Récit de Khoren Boyadjian
Voici la traduction du témoignage de Khoren Boyadjian, rescapé du génocide arménien, en réponse à l’annonce dans un numéro du journal « Achkharh », de la publication d’un livre négationniste intitulé “Les atrocités arméniennes”.
Ce livre, publié en 1973, et écrit par un ingénieur turc Veysel Eroğlu (devenu plus tard ministre d’état) fut l’un des premiers livres ouvertement négationniste, qui inversait le rôle de l’oppresseur et de l’opprimé, en faisait des arméniens (alors minorité dans l’empire ottoman) les bourreaux des turcs. C’est cette inversion des rôles, qui fit tourner le sang de Khoren Boyadjian, au point de convoquer cette mémoire si douloureuse, prés de soixante ans après les faits, et de vouloir pour la première fois, coucher sur papier et faire connaitre son récit familial personnel, ainsi que celui des centaines de milliers d’autres victimes et rescapés du génocide arménien.
Khoren Boyadjian avec son père, le prêtre Hagop Boyadjian devant son domicile à Uzès dans les années 60.
Cher rédacteur en chef, quand j’ai lu le numéro du 817 du journal « Achkharh », j’ai compris que les Loups gris s’étaient remis en chasse. Comment les bourreaux du peuple arménien innocent peuvent-ils à chaque fois proférer tant de mensonges ? Quand j’y pense, ça me fait mal et j’en perds le sommeil.
J’en ai été témoin : j’ai vu de mes yeux l’exode, les massacres, le viol de nos vierges, les persécutions. J’ai été témoin de tout cela.
Comment peuvent-ils écrire dans un livre de tels mensonges? Pour ce qu’ils ont écrit, je devrais leur crier au visage : « C’est un mensonge ! J’ai été témoin de tous ces massacres ! ». Je vais raconter tout ce que j’ai vu de mes propres yeux.
Je suis né en 1903 dans le village d’Eynech, dans la région de Hromkla (le nom arménien de notre village était « Hay Nich »). Je m’appelle Khorène Boyadjian, je suis le fils du prêtre Hagop Boyadjian.
Village de Eynesh (Gumusgun) sur les flancs du fleuve Euphrate
La rivière Euphrate passait devant notre village.
En 1914, les déportations ont commencé dans les région d’Erzurum, Van et Kharberd. Tous les jours, plus de deux-cent cadavres passaient sur l’Euphrate. Avec d’autres jeunes gens de mon âge, nous allions regarder passer les cadavres. Il en passait trente à quarante par heure.
Pendant six mois, nous ne voyions passer que des cadavres d’hommes. Puis, nous avons assisté au spectacle déchirant des cadavres de femmes, de jeunes et d’enfants. Nous avons ainsi vu passer le cadavre d’une femme et cinq enfants attachés à ses bras, ses pieds et sa poitrine.
Avec quelques hommes, mon père, le prêtre Hagop Boyadjian — Dieu ait son âme — a enterré quelques cadavres [lequel pouvait-on laisser ?]. Nuit et jour, il en passait plus de trois-cent. J’en ai été témoin. Je dois raconter ce que j’ai vu et que personne n’a encore raconté. Les ossements d’un million et demi de martyrs du peuple arménien vont me maudire…
Mais la nation arménienne vivra pour l’éternité et le peuple turc, qui a massacré le peuple arménien et qui a violé nos vierges, sera un jour puni.
En 1915, la police est venue dans notre village. Elle a rassemblé les figures importantes et les a jetées en prison. Un mois plus tard, le chef de la police s’est rendu chez Keyvane Agha. Ils se sont mis à collecter des armes. Ils ont collecté environ une centaine de fusil de chasse. Ils cherchaient des armes de guerre pour torturer les hommes. Ils les torturaient de mille façons différentes. Dans notre famille, il y avait aussi un fusil de chasse. Mon frère est parti leur remettre. Pour torturer les hommes, ils les allongeaient et leur frappaient la plante des pieds avec des crosses. Il fallut deux personnes pour ramener mon frère : ils avaient ravagé la plante de ses pieds.
Une autre fois, les policiers sont venus dans notre village. Ma mère m’a dit : « Khorène, mon fils, ramène les vaches », et je suis parti les chercher. A un moment, je suis passé devant l’église.
Un policier m’a appelé. J’avais un petit couteau. Il l’a pris et m’a dit : « Suis-moi ». Puis, il m’a emmené à l’église où se trouvaient tous les hommes de notre village, à partir de l’âge de dix ans. Seul mon père était libre. Mon père dit devant l’autel : « Mes chers enfants, demain, vous ne verrez pas le soleil. Si vous êtes fâchés avec quelqu’un, réconciliez-vous, avouez vos torts. Je vais vous donner le sacrement pour que vous soyez dignes du royaume de Dieu. » C’était une scène déchirante. Près de trois-cent hommes pleuraient, se prenaient dans les bras. Mon père partit supplier le chef de la police. Celui-ci ordonna que tous ceux qui avaient moins de 14 ans soient déportés avec les femmes, mais pas les hommes. Deux policiers isolèrent cinquante personnes. Nous sommes retournés chez nos mères. Toutes les mères et les enfants du village se sont réunis. Une dizaine de filles se sont rassemblées chez nous.
Un soir, à la tombée de la nuit, cinq policiers sont venus chez nous. L’un des policiers appela ma mère : « Donnez-nous une fille chacun ». Furieuse, ma mère lui répondit : « Coupez-moi d’abord la tête et alors vous pourrez faire ce que vous voulez. Sur ma tête, je ne vous laisserai pas toucher à un seul de leur cheveux. » Le policier dit ensuite : « Alors, renvoie-les chez elles, chez leurs mères », puis ma mère s’est dressée devant les policiers et a ordonné aux filles de rentrer chez elles. Les filles passèrent une par une et rentrèrent chez elles. Mon père fit un sermon aux femmes : « Demain, nous allons prendre le chemin de l’exode. Les hommes partiront séparément. Il n’y a qu’un seul moyen pour qu’ils viennent avec nous. Donnez vos bijoux au chef de la police, peut-être qu’ainsi nous arriveront à les libérer. » Tout les femmes remirent leurs bijoux à mon père, qui les emmena au chef de la police. « Je vous en supplie. Voilà tout ce que j’ai pu récolter. Libérez les hommes, pour qu’ils les emmènent avec les femmes. » Le chef de la police fit envoyer plus de dix policiers, qui sortirent les hommes de l’église et les installèrent dans différentes pièces de notre maison.
La nuit tomba. Nous attendions, nous n’arrivions pas à dormir. Vers dix heures, plusieurs policiers sont apparus et emmenèrent huit personnes, soi-disant pour les interroger. Nous savions qu’ils allaient les tuer. Aussitôt, on attacha une corde au dos d’une femme, on la descendit du toit et elle partit informer le chef de police, qui était alors endormi.
Le chef de la police interdit aux policiers de les tuer. Le lendemain, ils emmenèrent les hommes. La nuit, ils avaient déjà violé plusieurs vierges. Tous les gens firent leurs provisions et prirent la route de l’exode. Sous la surveillance de la police, nous marchions la peur au ventre. A peine avions-nous marché une dizaine de kilomètres qu’à la tombée de la nuit, le chef de la police ordonna à ceux qui nous emmenaient de nous descendre sur les bords de l’Euphrate et de nous massacrer. Mon père a dit à feu ma sœur : « Ma fille, tu as un collier. Donne-le moi pour que je libère ces gens. » Il le remis à un homme influent du nom d’Osman Tchavouch (Tchavouch veux dire Sergent en turc), en lui disant que c’était un cadeau pour sa femme, pour qu’en échange il épargne les hommes.
Tchavouch prit le collier et nous dit de descendre au bord de l’Euphrate. Finalement, Osman Tchavouch fit marcher mon père et nous dit : « Allongez-vous ici. » Nous étions 750 personnes, tout le monde était épuisé. Nous avions tous mangé un peu de nos provisions, en attendant notre fin. Quatre policiers sont venus trouver mon père pour le tuer. Un des policiers dit alors : « Djaneum (“mon cher” en turc), le prêtre n’a plus de force. Pourquoi vous l’emmenez ? Tuez-le ! » De loin, Osman Tchavouch avait tout vu. Il s’éloigna du groupe, fit feu, et revint en courant et en criant : « Il y a des voleurs là-bas ! Allez voir ! »
Puis Tchavouch nous dit : « Levez-vous, préparez-vous, nous reprenons la route ! » Vers trois heures et demi du matin, l’aube commençait à se lever. Nous nous levâmes et prirent la route. Nous marchions avec tout ce que nous avions sur notre dos.
Itinéraire des déportés entre Eynesh (Gumusgun) et Jarablus (Karkamis)
Nous étions sur le chemin de l’exode. En soirée, nous sommes arrivés à Jarablous.
Construction de la gare de Jerablus en 1913, dans le contexte du projet de chemin de fer Berlin/Baghdad
Ils nous firent nous abriter dans un champ, la nuit était en train de tomber. A peine une heure plus tard, les policiers nous encerclèrent et emmenèrent les hommes un par un, confisquant tout ce qu’ils avaient : argent, montre, etc. Nous avons eu de la chance qu’il n’y ait pas eu de massacre. Après trois jours passés à Jarablous, ils nous emmenèrent et nous flanquèrent dans des trains.
Wagons à bestiaux, utilisés pendant les déportations des arméniens sur la ligne de chemin de fer Berlin-Baghdad
Une nuit passa, puis nous arrivâmes le lendemain à Alep.
Gare d’Alep
Nous attendions dans les wagons. Un Arménien s’approcha de nous et demanda à ma mère : « Mayrig, où vous allez comme ça ? ». « Je ne sais pas, mon fils », répondit-elle. « S’ils vous emmènent vers Damas, tant mieux. Par contre, s’ils vous emmènent à Deir ez-Zor, je suis désolé pour vous. » Une nouvelle nuit s’écoula et le train repartit. En matinée, nous arrivâmes dans une ville. On nous appris que c’était Hama.
Ils nous avaient donc envoyés vers le désert. Il y avait plus de quatre mille réfugiés sous un soleil brûlant. Les gens étaient allongés sur le sable, mourant de faim et de soif.
Carte des déportations
Certains cousaient des sacs ensemble et les transformaient en tente pour se protéger du soleil. La source d’eau était très loin de notre campement : nous devions en ramener de la rivière, terrifiés, en tremblant, plus de 250 cadavres par jour (sic). Des dizaines de chariots du gouvernement hamidien passaient devant nos yeux. Ils emmenaient les cadavres par la tête et les jambes jusqu’aux chariots, les y jetaient, puis tous les 200 mètres, creusaient des fosses et y entassaient 15 à 20 cadavres. Feu mon père, le prêtre Hagop, faisait la bénédiction des corps.
Cérémonie d’enterrement dans un camp de concentration d’arméniens en Syrie
Même si, à Hama, Homs et Damas, il n’y a pas eu de massacre comme à Deir ez-Zor, les cadavres des Arméniens morts de faim étaient innombrables. Tous les jours, plusieurs chameaux mourraient dans la caserne. Ils les dépeçaient et les jetaient aux abords de la ville. Ma mère et mes sœurs ramenaient souvent de la viande de ces chameaux morts. Un jour, avec ma mère et des centaines de migrants, nous attendions qu’ils apportent leur viande. Quand ils l’apportèrent, tout le monde se jeta dessus : certains arrivaient à se servir, d’autres, les mains vides, ne rentraient pas. Un jour, nous sommes arrivés dans un village. Nous étions morts de faim et nous n’avions plus la force de marcher. Nous avons trouvé une maison à moitié en ruines. Dans le champ derrière la maison, de l’orge avait été semé. Certains d’entre nous en récoltèrent. En guise de dîner, nous avons mangé de l’herbe, puis nous nous couchés. Nous n’avions pas mangé de pain depuis quatre ou cinq mois.
Parfois, quand nous trouvions une tortue dans les champs, nous considérions avoir fait une excellente chasse. De jour en jour, il y avait de plus en plus de morts de faim. Nous avons vécu quatre ans dans ces conditions.
En 1918, nous nous trouvions à Homs. Les Anglais sont arrivés et la joie de ce qui restait des déportés étaient sans borne. Nous avons rejoint Hama à pied et de là, Alep en six jours. Les survivants se massaient de tous côtés à Alep. Un comité désigné par le gouvernement passaient dans les villages pour y recueillir les orphelins et les placer en orphelinat. Nous avons rencontré quelqu’un qui revenait de Deir ez-Zor. Il nous raconta qu’ils avaient rassemblé des milliers d’Arméniens, les avaient emmenés dans le désert, les avaient regroupés à un endroit et avaient commencé à les massacrer à coups de couteau, de poignard et de crosse. Il racontait en pleurant et en criant qu’il s’était retrouvé recouvert sous les cadavres du massacre. Une fois le massacre terminé, ils appelèrent un crieur public qui ordonna aux blessés de marcher, soi-disant pour les amener à l’hôpital pour les soigner. Ils devaient être une soixantaine de personnes. Ils allaient à la mort, eux aussi : ils mettaient leurs corps en feu, les embrochaient, puis les tuaient.
Le témoin nous racontait : « J’ai gardé les mâchoires serrées, je n’ai pas fait un mouvement. Le soir, tout le monde était parti [qui pouvait sortir sa tête ?]. Nous avions peur qu’il y ait encore des tueurs. Beaucoup de temps s’est écoulé. J’ai enfin sorti la tête et j’ai vu que quelqu’un d’autre était là, qui m’appelait. Nous étions six personnes à nous appeler. A peine avions-nous marché un kilomètre que quatre d’entre nous étaient morts. La nuit, nous marchions tous les deux et le jour, nous nous cachions. Nous avons marché deux jours, presque morts de faim et de soif. Le troisième jour, nous avons vus une tente et nous nous sommes dit : si on n’y va pas, on va mourir de faim. Nous avons alors essayé de nous approcher de la tente, mais des chiens nous ont attaqués.
Une femme âgée sortit alors de la tente, gronda les chiens et nous invita à intérieur. Voyant notre état, elle nous apporta aussitôt du pain avec du tan, et mes yeux s’ouvrirent un peu. Elle nous donna ensuite du pain et du fromage et nous dit : « Partez ! » Nous avons fait le chemin de nuit et nous avons marché jusqu’à Alep, et ceux qui nous voyaient passer avaient les yeux remplis de larmes. » Veysel Eroğlu n’a pas honte d’écrire dans son livre « Ermeni Mezalimi » (« Le massacre arménien ») que « dans les déserts chauds de Deir ez-Zor, nous avons été généreux avec les Arméniens, nous leur avons donné des hébergements, de la nourriture » ?
Par mes écrits, je présente ce que j’ai vu de mes yeux et entendu de mes oreilles. Ils ont massacré un million et demi de pauvres Arméniens, les ont laissés mourir de faim. C’est un mensonge, un mensonge ! Je voudrais crier : « N’a-t-il pas honte d’écrire de tels mensonges ? ».
Comment pourrais-je ne pas écrire ce qui m’est arrivé ? Les os des arméniens du désert de Deir ez-Zor s’insurgent contre moi : je ne peux plus me taire. Qu’ils entendent la nouvelle génération du peuple arménien, tout ce que les Arméniens ont enduré sous la main de leurs bourreaux. Ils n’ont pas honte de nier les atrocités commises par leurs pères !
Dans la joie, nous sommes partis d’Alep pour regagner notre village. Des 750 habitants, il n’en restait plus que 300. Toutes les familles se précipitaient pour reprendre possession de leurs biens. Notre village était petit. Pour nos études, mon père nous a emmenés à Ayntap. En 1919, nous y avons passé l’hiver. J’étais déjà grand et j’apprenais le métier de cordonnier. En avril 1920, les Turcs ont attaqué les Arméniens. Les Arméniens ont immédiatement dressé des murs dans les rues et ont installé des postes. Des soldats français étaient là pour nous protéger. Ils nous avaient donné une bonne quantité d’armes et de bombes. Nous nous sommes défendus pendant six mois, mais nous avons souffert du manque de vivres.
Six mois plus tard, l’aide française est arrivée aux environs d’Ayntap et les Turcs ont été assiégés pendant six mois. Puis, agitant un drapeau blanc, les Turcs se sont rendus.
Deux mois plus tard, le général français annonça qu’ils avaient reçu l’ordre de partir et que les Arméniens pouvaient partir avec eux [qui serait resté ?]. Et ainsi, nous avons repris le chemin de l’exode. Dans le sermon sacré de l’autodéfense d’Ayntap, notre chef était Adour Pacha. Moi, Khorène Boyadjian, soldat âgé alors de 17 ans, j’ai reçu un certificat d’Adour Pacha.
Portrait d’Adour Pacha (Levonian)
Portrait de Khoren Boyadjian en tenu de la légion d’orient, pendant l’auto-défense d’Aintab
Nous n’avions plus aucune nouvelle de notre village. Un homme de notre village nous dévoila la situation dans laquelle il se trouvait. Après le début de la guerre de 1920, les janissaires de Mustafa Kemal y étaient entrés et avaient dit à nos villageois que notre village était en danger.
« Nous allons vous emmener dans un endroit sûr », leur ont dit les policiers. Ils ont emmené les 300 personnes qui restaient sur les bords de l’Euphrate, les ont massacrées et jetées à la rivière. Ils leur ont fait subir mille genres de supplices : ils ont assis un des villageois, Irgat Artin, près de l’eau, l’ont attaché à une pierre. Puis, ils ont amené son fils de 14 ans, ont mis sa tête sur ses genoux et l’ont égorgé comme un mouton, avant de tuer le père.
Où pourrait-on voir une sauvagerie comme celle des Turcs ?
D’Ayntap, nous avons déménagé à Alep. Après être restés deux ans à Alep, nous sommes allés au Liban. Mon père exerça sa fonction de prêtre dans un village nommé Ghazir, où il se trouvait un orphelinat.
Khoren Boyadjian apprenant la cordonnerie.
Il abritait trois à quatre cents filles : certaines tissaient des tapis, d’autres apprenaient à lire. J’ai eu de la chance et je me suis marié avec une fille orpheline, Haykanouch Tchivitian.
Photo des orphelines dans la cour de l’orphelinat de Ghazir
Haykanoush, devant le tapis qu’elle a confectionné à l’orphelinat de Ghazir
Voici son histoire. Il y a peut-être trois ou quatre ans, ils ont rassemblés quatorze paysans du village Oumoudoum dans la région d’Erzurum, les ont emmené loin du village et ont commencer à les torturer et à les massacrer de différentes manières. Horrifiée, ma femme a perdu connaissance. La nuit tombait, les enfants se sont réveillés. Il y avait parmi eux un grand, qui les a emmenés dans la forêt. Pendant plusieurs jours, ils ont marché, sans nourriture et sans eau, et sont arrivés dans un village, d’où ils ont été conduits à un orphelinat allemand. Après la fin de la guerre, l’orphelinat a été repris par les Américains. Après être restés un certain temps à Césarée, ils furent emmenés au Liban. Comme elle ne connaissait pas son nom, ils la baptisèrent Haykanouch Tchivitian. À notre arrivée en France, nous avons trouvé un jeune de leur village. Il connaissait le nom de ma femme. Il faisait le parrainage de leur famille (sic).
« Ton père s’appelle Khochbekian Armenak, du village Oumoudoum d’Erzurum. Ta mère s’appelle Saténik. »
Lors de la bataille d’Ayntap en 1920, mon père, le prêtre Hagop Boyadjian, fit preuve d’une grande bravoure. D’une main, il tenait son arme, et de l’autre, une croix. Il passait de poste en poste et prêchait aux soldats : « Nous allons vaincre l’ennemi ! Soyez braves ! Dieu est avec nous ! » Il a extrait 40 kilos de poudre à canon des grottes. C’était une matière blanche comme du sel. Il la faisait extraire et en faisait de la poudre à canon.
Dans le livre « Les vingt pendus », il y a une image de lui : son arme dans une main, et dans l’autre, une croix…
Photo du père Hagop Boyadjian pendant l’auto-défense d’Aintab
Première page du manuscrit
Khoren Boyadjian pendant un défilé du 24 Avril à Valence dans les années 70